La route vers Katellgollet niait l’existence d’une mer à proximité. Seuls des indices semés ici et là signalaient la présence d’un littoral : de rares palmiers dissimulés au fond des jardins ou quelques panneaux discrets indiquant l’accès à une plage.
La terre de Bretagne était le berceau de funestes légendes, le tombeau de moult trépassés : les cimetières débordaient de marins disparus en mer, fauchés à l’aube de leur jeunesse, arrachés à des générations de familles éplorées, inconsolables à jamais.
Le pays redoutait l’Ankou – une figure squelettique recouverte d’un suaire en lambeaux, coiffée d’un large chapeau noir – qui, à la nuit tombée, tranchait des vies à la faux en circulant debout sur une charrette à deux chevaux. Le grincement de ses essieux présageait de terribles nouvelles, l’entendre ou voir ce sinistre attelage annonçait une mort imminente.
De lugubres calvaires illustraient ces légendes à tous les croisements. Les chapelles des naufragés rappelaient aux vivants l’inévitable terminaison qui les attendait, tandis que des églises accablées s’affaissaient sous le poids des larmes versées et des cœurs déchirés.
Lise aimait cette atmosphère mystique aussi profonde et pure qu’un sentiment amoureux au XIXe siècle.
Une anomalie cependant ternissait le tableau.
Cette ambiance historique, véritable machine à remonter le temps, était gâchée par un accueil froid et pécuniaire dès que l’on approchait d’une agglomération. Il fallait traverser une zone commerciale laide et sans cachet où toutes les enseignes de supermarchés se concentraient de façon systématique et répétitive à l’entrée de chaque ville du pays.
Lise évita le parking du port et réussit à se garer le plus près possible du club échangiste de Katellgollet. Il ouvrait le soir et le dimanche après-midi. Leur site Internet ne contenait qu’une page d’accueil, mystérieuse, indiquant juste l’adresse, le dress code, ainsi que les dates des soirées «spéciales»…