Un épais brouillard nocturne réduisait la visibilité à une dizaine de mètres. Une telle aberration climatique ne se produisait jamais dans les rues de la capitale, sauf une brume d’altitude qui parfois décapitait la Dame de fer en étouffant la puissance de son phare marin.
Adèle et Vlad habitaient à quinze minutes à pied de la gare du Nord.
Ils ne dirent pas un mot pendant le trajet, conscients l’un et l’autre du caractère anormal de l’environnement.
Les bruits habituels d’une ville effervescente s’étaient atténués.
Tout Paris résonnait depuis un sous-sol mal isolé.
Le viaduc métallique permettant le franchissement des voies ferrées de la gare de l’Est poussa Vlad à s’accrocher au bras d’Adèle. Son architecture en forme de piège à loups semblait refermer sur eux son imposante mâchoire en acier. Ils eurent l’impression de traverser une passerelle hostile et sans fin sous laquelle de sombres lombrics aux têtes embrasées rampaient pour sortir de l’excavation où ils grouillaient.
Quand enfin le profil de la gare du Nord se précisa, ils laissèrent échapper un soupir de soulagement.
Hélas, leur répit fut de courte durée. L’intérieur, guère plus avenant, ne présageait rien de bon.
À 20 heures, des milliers de passagers étaient supposés transiter. Pourtant, seules une vingtaine d’ombres, troubles et sans âme, se mouvaient au loin sans qu’aucune les croise ni les approche jamais.
Le panneau des départs affichait leur train à 20 h 08, voie 6.
Une nuée silencieuse de corbeaux encrés aux contours délités tournoyaient sous la verrière de la grande halle.
Sur le quai de la voie 6, un train de banlieue en inox attendait les voyageurs. Ils virent des passagers monter, mais à chaque fois qu’ils passaient devant un wagon, ce dernier apparaissait vide et désolé…